« A » comme Abécédaire (Saison 2 Ep.1)
Pour cette première émission de la rentrée, notre invité est Michéa Jacobi. Arlésien né en 1955, illustrateur, contributeur à Marsactu et prolixe auteur d’abécédaires, il viendra nous parler de cette passion ainsi que de son prochain ouvrage « Insurgé.e.s » à paraître début Octobre aux éditions de La Bibliothèque; volume 12 de sa série Humanitatis Elementi. Et bonus surprise, un extrait de la lettre « G » (mais pour quel.le insurgé.e?) en avant-première!
Soutien pour Hossein Shanbehzadeh condamné à 12 ans de prison fin Août par les religieux iraniens pour avoir tweeté un point.
L’émission sera diffusée le samedi 14/9 à 10h sur Radio Grenouille 88.8, puis disponible ci-dessous ou sur Deezer et Spotify.
Consigne d’écriture: mélangeons alphabet et anadiplose! De A à Z, comment s’est passée votre rentrée? Reprenons le dernier mot d’une phrase pour en faire le premier de la phrase suivante, comme dans cet exemple tiré du Dom Juan de Molière:
« L’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l’arbre ; qui s’attache à l’arbre, suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans ; les courtisans suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la fantaisie est une faculté de l’âme ; etc » – Acte V, sc. 2;
mais attention, chaque mot doit suivre l’ordre alphabétique, par exemple: « Amené les enfants à l’école en bagnole; la bagnole a écopé d’une contravention! etc… ». J’attends vos texte sur jeanmarc@despapousamarseille.fr. Ils seront publiés sur cette page et je vous ferai un retour.
Références
Notre Yiddish, Michéa Jacobi, aux éditions Climats.
Xénophile, Michéa Jacobi, aux éditions de la Bibliothèque,
Marseille en toutes lettres, Michéa Jacobi, éditions Parenthèses.
Le Village, Ivan Bounine, édition Bartillat.
Le plaisir du texte, Roland Barthes.
Barthes par lui-même, Roland Barthes, chez Seuil.
La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, aux éditions de Minuit.
Désir et horreur de la gloire, Emil Cioran.
Toutes les barques s’appellent Emma, Christian Estèbe, éditions Finitude.
Xaviera, Xaviera Hollander, éditions Le Livre de Poche.
Textes reçus
Bastian – « D’une araignée en larmes aux ombres du soleil »
En bon traître, le mois de septembre drape ses jours humides d’Amaryllis. L’amaryllis japonaise, non moins déloyale, déchoit de son trône sous la lourdeur de la pluie pour aller avec ses étamines carmin dans de grandes flaques barboter. Barboter sous l’observation désespérée d’une dizaine de pupilles félines montées avec une grâce toute particulière sur leur corps anorexique de chat. Les chats immobiles sont si tristes et maigres face à la chute des pétales arachnides qu’aucun d’entre eux ne danse. Danse interdite et qui paralyse de ses poisons de minceur ces piquets poilus à l’air trompeusement tranquille ; en réalité, l’anxiété anémique éclate dans le miroir de leurs yeux avec la même incertitude dévorante que nourrit à propos de son fœtus toute femme enceinte. Enceinte comme ma maîtresse de yoga qui toujours dans les plus sévères poses désire me figer. Figer les muscles de son élève si puceau de souplesse au point de les rompre presque, ou de les faire grandir. Grandir physiquement et spirituellement d’abord, pour ses limites avec violence venir finalement heurter. Heurter la douleur pour briser l’impatience. Impatience maudite et vorace de devoir continuellement jouir. Jouir par la bouche, jubiler par le cul et posséder par son pénis impérieux secrètement dressé sous kimono. Mon kimono si doux qu’il rappellerait presque à ma peau frissonnante la suavité que dégage en septembre l’éclat de la lune. Cette lune hantée de lapins sur laquelle les japonaises aiment tant lorgner durant le neuvième mois de l’année, mais moi – ennemi de ce gibier céleste et de tous les autres dieux – préfère largement me faire pétrir par elles le gland comme du mochi. Mochi plus pâle que mon sperme dont j’ambitionne pourtant de souiller la peau de leurs seins parfaitement plats et nus. Nus, certes, mais habillés aussi de tétons si roses qu’on les croirait made in Taipei plutôt qu’ à Osaka. O-saka la grande colline qui depuis tant de siècles de ses pèlerins les plus patients contente à bonheur égal palais et pénis. Mon pénis maudit, remuant et éternellement dressé comme d’un chien content, la queue. Ces queues infinies encore qu’on endure en Asie sans rage. Je rage pourtant rouge devant les souffrances de ma fille couverte des boutons et des cloques dont accouche souvent le syndrome pieds-mains-bouche. Syndrome P-M-B qui glisse de gosse en gosse plus vite qu’un mouflet du ciel au bac-à-sable emprunte son toboggan. Les toboggans rongés de rouille antique pavent Tsurumi comme autant de galaxies en couche-culottes étincelantes remplissent de merde humaine notre jeune univers. L’univers déborde à l’image de mon quartier d’enfants surnuméraires, voulus plus par la mécanique infernale de la baise que par les illusions de l’amour : cette rencontre inévitable non de deux cœurs, mais bien plutôt d’un braquemart et de sa moule, et que les Tisserands du Destin ré-imposent constamment de leur violence. Sans violence point de vie : c’est la cadence que Lucifer aux âmes attentives tambourine lui-aussi sans fin sur son infernal xylophone. Xylophone aux notes aiguës et brûlantes similaires à s’y méprendre au gong concluant la pose du cadavre en yoga. Yoga sacré de dieux pas si païens que cela et qui enseignent tant en hiver qu’au printemps la même leçon ; tant en été qu’en automne aussi : à connaître l’existence et la nature précise des liens secrets faisant frémir chacun face aux lumières méphistophéliques de leur personnel zénith.
Véronique – « Assez de soleil, de mojitos, désormais place au boulot »
Assez de soleil, de mojitos, désormais place au boulot
Le boulot ? Parlons-en, le sujet est complexe
Les complexes j’en ai plein, pour le taf y’a dégun
Dégun pour m’appeler, dégun pour m’écrire
Ecrire …. tiens pourquoi pas. Mais au fond pour quoi faire ?
Faire du mieux qu’on pourra, surtout ne pas gâcher
Gâcher le temps qui passe, en gaspiller les heures
Des heures qui désormais ne sont plus infinies
Cet infini qui s’éloigne comme s’enfuient les jours
Des jours bons à jeter comme de vieux kleenex
Ces kleenex toujours prompts à essuyer nos larmes
Des larmes de fond gorgées de mal de mer
Ma mère est partie sans me donner naissance
Naissance en septembre d’une saison en or
Ors dorés et oranges de cet automne pourpre
Pourpre comme mon coeur blessé quand on le quitte
Quitte à pleurer un peu, pleurons sur nos regrets
Regrets des jours passés, de l’amour silencieux
Silencieux amoureux rattrapés par le temps
Tant qu’il est encore temps, en faire bon usage
Mais l’usage voudrait que le temps nous vieillisse
Vieillissons alors comme dorent les bons whisky
Le whisky selon moi préférable au Xanax
Le Xanax faux ami nous fait fermer les yeux
Gardons les yeux ouverts, reprenons à zéro
Musiques
Générique: extrait de « Fatigue Universelle » des Troublemakers
« Rahe Meykhane » (Hiss Band Remix), Mohammad Reza Shajarian